Sortie : Du sapin dans les suspentes !

Aujourd'hui nous décidons d'aller découvrir un nouveau site savoyard de vol-rando que nous ne connaissons absolument pas. Nous laissons donc la voiture à Villard-Léger pour emprunter un petit chemin complètement perdu afin de rejoindre Champ-Laurent et sa prairie de décollage. Quel plaisir d'explorer cette épaisse forêt traversée de sentiers mystérieux. La carte IGN nous est d'un grand secours et bientôt nous atteignons le petit village des Masures. La fréquentation quasi inexistante de ce parcours rend la progression difficile, c'est plein d'arbres en travers et le lit de feuilles mortes rend pénible l'avancée, un peu comme faire la trace dans le poudreuse.

Huit cents mètres plus haut, nous débouchons sur la prairie sommitale de Champ-Laurent. Gérard nous avait mis en garde contre les moutons gardés par un kangal, un berger d'Anatolie à la féroce réputation. Nous redoutons le pire puisque nous entendons bêler les moutons, mais heureusement ceux-ci sont sagement enfermés dans une énorme grange, nous pouvons terminer la balade tranquillement et remonter le champ qui va nous servir de décollage. Au loin le kangal jappe bruyamment sans heureusement montrer le bout de son museau baveux. Nous déplions donc les voiles à la lisière de la forêt, la tempête d'hier a dû être sévère à en juger le lit de branches mortes étalées sur l'herbe rase. Une campagne de nettoyage est donc entreprise afin d'éviter une clé dans les suspentes avec les branchettes de sapin agressives. La brise est parfaite et le ciel bleu a l'air de tenir malgré quelques formations de cumulus au nord, annonçant la dégradation orageuse attendue dans l'après-midi. Hélène est fin prête quand le vent se cale dans une parfaite orientation. J'ai bien remarqué la branchette de sapin dans la ficelle des freins mais c'est tellement petit qu'elle devrait tomber de suite, alors je n'émets aucune objection au décollage... Mauvaise idée car, sitôt Hélène en l'air, une grosse clé déforme la voûte de la voile. Alors comme prévu en cas de problème, ma douce se déroute pour atterrir juste à côté de la bergerie d'où le féroce kangal émet ses aboiements sinistres. Je laisse tout mon matos et cours retrouver Hélène un peu plus bas. Nous remontons sans faire de bruit avec la voile sur l'épaule, de peur d'éveiller la fureur du chien de garde. 

Après avoir ré-étalé la voile un peu plus bas et à l'abri des branchages, Hélène réalise un décollage parfait, comme dans les livres. Il ne me reste plus qu'à peaufiner ma préparation et prendre mon essor par-dessus la bergerie bêlante. Le vol est somptueux pendant qu'en face le massif des Bauges disparaît lentement, happé par des formations nuageuses pré-orageuses.

Nous posons dans la vallée juste à côté de la flamme que nous avons installée juste avant de partir ce matin. Elle indique une brise de nord tout à fait fréquentable. Nous n'aurons pas fini de plier les voiles que la flamme devient folle, bousculée par des rafales de l'orage qui gronde. Un chasseur s'arrête à notre hauteur pour nous parler un peu, il nous conseille le banc du village pour pique-niquer tranquillement. On y sera délicieusement installés mais les premières gouttes auront tôt fait de nous chasser irrémédiablement.