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Eh, mes petits carnets me disent que j’ai déjà 35 "3000" à mon actif de "collectionneur de 3000 des Alpes de Haute Povence", pendant mes vacances d’été successives, à partir de mon camp de base rituel de Digne-les-Bains… Alors, pas si facile d’en trouver encore des nouveaux à gravir à la journée, tout seul en rando, sans recours à l’alpinisme (même si j’en ai fait quelques-uns parmi les plus beaux, comme la Tête de Moïse, le Brec du Chambeyron ou la grandiose traversée des Aiguilles du Chambeyron, avec un compagnon de cordée ou un guide…). Tiens, dans l’Ubaye il me reste la Roche Noire, qui me tente pour inaugurer ma série de cet été.
Il fait encore nuit quand je pars en voiture pour Maljasset, accès le plus proche (on peut aussi partir du Queyras, après Ceillac, par le vallon du Cristillan, cf. topo bivouak n° 1850 par Bernard Mazas). Arrivé à Maljasset, je me gare comme d’hab’ (je m’y sens un peu chez moi, tout comme à Fouillouse : j’ai fait tellement de randos superbes à partir de ces deux hauts-lieux de l’Ubaye…) avant l’entrée du village, et je m’aperçois soudain que j’ai oublié (à Digne !) et mes lunettes de soleil (pas bien grave…) et ma casquette (ça, c’est plus grave, car ma carte ne me laisse aucun espoir de sous-bois ou d’ombre avant mon retour à la voiture ce soir !). Heureusement, j’ai l’idée de demander, à tout hasard, au refuge CAF du village si, sait-on jamais… Et bien si, ils seront sympa, ils ont quelques casquettes oubliées et pas redemandées en stock, et m’en prêtent une volontiers (en fait, le soir, ils me la laisseront, merci à eux !).
Me voilà parti, tout revigoré : Parouart, la Salcette, la Blave : je pourrais presque fermer les yeux, tant ces lieux me sont familiers. Et si je retournais au Rubren, au Salsa, ces sommets si magiques ? Je peux encore… Non non, soyons sérieux, j’ai dit "La Roche Noire", alors on y va. Donc à peu près à hauteur de la cabane de la Blave je me décide, j’oblique à gauche dans la pente herbeuse et fleurie, on verra bien. L’absence aussi soudaine que totale de tout repère (trace, cairn) est un peu déconcertante au début, surtout quand on sait que ça va durer 800 m. - ça donne une idée de la fréquentation de l’endroit, et en effet je ne rencontrerai personne (pas même une petite marmotte !) entre la Blave et le sommet de Roche Noire, sauf en fin de redescente, un Italien tout aussi solitaire que moi qui cherchait désespérément "le col ???". Quand j’aperçois la bergerie à ma gauche, tout content, je dresse un petit cairn (sûrement le seul cairn entre le sentier de la Blave et l'arête !). C’est assez raide par moments, mais quel enchantement de marcher en permanence sur un tapis de fleurs drues de toutes les couleurs, on les voit changer progressivement avec l’altitude, avec à peu près à mi-montée une petite colonie d’edelweiss, puis à l’approche des 3000 m. se faire de plus en plus petites, tout en arborant toujours les couleurs les plus vives. Enfin j’aperçois le tant attendu Col des Ugousses, avec la Roche Noire à sa droite… Soulagé ! Petit replat, puis ça se redresse sous le col, dans les éboulis cette fois, finies les fleurs, plus que de la caillasse, ça devient sérieux !
Je monte jusqu’au col, par simple curiosité, mais c’était inutile, il me faut revenir un peu en arrière pour franchir au mieux les côtes rocheuses qui descendent de l’arête entre le col et Roche Noire. Je choisis de passer sous le bastion sommital en le contournant pour rejoindre l’arête sud-est. J’ai à présent le sommet à ma gauche, et je monte sur l’arête. Là, ça se corse : devant moi, un mur de rochers, qu’il va bien falloir remonter. Par où? J'hésite… Chance : je découvre (enfin !) des cairns (très utiles, et plus encore à la descente), il faut grimper là-dedans, c’est raide, souvent exposé, mais ça passe… Et le sommet arrive assez vite, belle récompense tant convoitée du randonneur solitaire ! Amoureux de l’Ubaye et du Queyras, repérez de là-haut vos sommets préférés, sans vous laisser intimider par l’immense Péouvou à portée de main…
La redescente du bastion rocheux est assez impressionnante, mais en y allant doucement, de cairn en cairn, je finis par arriver en bas sans encombre, et là, je respire un bon coup: le plus dur est fait, y a plus qu’à se laisser glisser tranquille… et rejoindre à nouveau les fleurs, à défaut de marmottes et autres bouquetins et chamois, aussi absents que les humains de cet univers pour amoureux de la solitude, de fleurs … et de belles roches vertes, brunes, mauves, blanches, etc. (tout sauf noires, n'est-ce pas Bernard Mazas ?).
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