Hier et contre toute attente, les oracles reviennent tous sur leurs prédictions, il y a un créneau en haute montagne, et un beau..... que faire ? Ce Pic de l'étendard d'où Dédé avait décollé magistralement il y a 20 ans me tente bien, cet affront qui par trop perdure doit être lavé. Je fais part de mon objectif à Luc, il est partant pour m'aider dans ma tache.
Il y a quinze ans, j'avais fait une tentative infructueuse et nous nous étions tapé, Hélène et moi tout le retour à pince, 25 bornes dans les guiboles avec un gros sac, ça dégoute pour un moment. Mais bon...
Nous voilà donc au col de la croix de fer pour cette balade un tantinet bavante, mais enfin ça se fait bien, surtout à deux, c'est moins monotone. Alors que nous longeons le deuxième lac, nous observons une quarantaine de fourmis à la queue leu leu sur la neige au loin, elles ont 2 heures d'avance puisqu'elles ont toutes dormi au refuge. Au bout de 2h30, nous atteignons à notre tour le glacier, il rapetisse d'année en année. Il y a 30 ans, la glace bordait la moraine frontale et il n'y avait pas de dépression, aujourd'hui, il faut bien descendre de 30 mètres pour trouver les premières glaces.
Luc passe devant et laisse une trace dans la neige absolument parfaite,( les fourmis, plus matinales, n'ont laissé dans la neige encore dure que des griffures insignifiantes). Je monte sans aucune difficulté dans ses pas, nous sommes manifestement au diapason. Tout au plus fera-t'il quelques arrêts pour ne pas trop me distancer. Vers 3000 on croise une cordée qui nous annonce du vent au sommet : deux parapentistes ont renoncé à déplier les voiles à cause d'un vent fort et mal orienté..... Damned c'est la dernière fois que je monte une voile ici, c'est vraiment trop dur.
Au col de la Barbarate, effectivement le vent est plein badin d'ouest..... maintenant qu'on est là autant aller en haut, d'autant plus que les oracles prévoient bien un vent NO mais faiblissant en tournant au nord. Sous le sommet pas un gramme de vent, c'est le four sous ce brillant soleil. En débouchant sur l'arête finale, bonne surprise, toujours pas de vent. Et au sommet plus rien, que dalle, la pétole. J'installe un bout de PQ sur un de mes bâtons de bois (qui ont toujours un franc succès) et nous nous précipitons sur le décollage nord.
L'installation des voiles est délicate sur cette pente de neige molle. Il s'agit de ne pas remplir les caissons de neige. A peine un souffle d'air de cul, mais vraiment faible, ça devrait le faire. La flamme au sommet est toujours inerte; pas de lézard, c'est tout bon. La seule difficulté consiste à bien caler les voiles dans la neige et à se préparer à courir par de grandes enjambées dans cette neige profonde sans consistance.
Nous ne nous donnons qu'un seul essai, il est déjà 11h et je sais qu'au mois de juin, le vent de vallée à Rochetaillée est matinal. Luc doit décoller le premier mais quand je lui annonce qu'un échec de ma part se solderait par une descende à pied, il n'est pas de cet avis. Bon j'ai pas droit à l'erreur. Luc fait un décollage parfait, il est content et ça s'entend. Comme il a attendu que je sois prêt, je me lance quelques secondes derrière. La course est laborieuse mais réussie, le glacier s'écarte lentement, un virage à gauche et la froide face Ouest me happe à mon tour.
Nous volons une bonne demi heure de concert entre des petits cumulus qui commencent à apparaître sur les sommets. Les multiples lacs, outre le fait qu'ils égaient le parcours, montrent par une surface lisse l'absence de tout vent. C'est 400m au-dessus de Rochetaillée que les premières turbulences sont apparues.... punaise le vent de vallée est déjà fort. Qu'a cela ne tienne, nous sommes encore haut alors nous nous avançons en aval et quand les turbulences se font trop désagréables, j'envoie une petite série de 360 avant de me poser comme une fleur au milieu du champ fraichement tondu. Luc me suit de près.
Voilà, les bonnes conditions ont été réunies, un cadeau du ciel... ça tombe bien; c'est mon anniversaire aujourd'hui ! Ce soir Dédé vient fêter l'événement et j'aurai plaisir à lui raconter notre vol.
Ps Luc j'ai ta carte (ta relique devrais-je dire)