La météo en a décidé ainsi : la journée appartient à ceux qui se lèvent tôt ! Pour appliquer cette maxime il a donc fallu mettre le réveil aux aurores et viser l'endroit où les orages doivent tarder à venir. En effet, des pluies diluviennes sont attendues pour l'après-midi. Pas question de rater le créneau, c'est le soleil qui va dicter le planning.
Le Margeriaz est un beau sommet, son versant ouest possède une particularité, son point culminant est au bout d'une presqu'île entourée de falaises abruptes, ses pentes sont finalement orientées sud et prennent le soleil dès la première heure. La marche commence dans une ambiance humide, les herbes sont lourdes des pluies orageuses de la veille, le ciel est encore limpide. Au loin, au bout de l'horizon d'immenses cumulonimbus doivent déjà se déchaîner sur le massif central, ils culminent dans la stratosphère, la plus part coiffés d'un lenticulaire menaçant. Pourtant la Chartreuse est encore dégagée. Alors il ne reste qu'à profiter de cette marche entre les près verts et les sous-bois odorants.
Si je n'ai pas vu Jules au col des Vernes, on y voit en revanche les formations nuageuses qui assiègent maintenant la Chartreuse et décorent gentiment mon sommet. Il ne va pas falloir traîner. Malgré les pentes accueillantes qui ne demandent qu'à me faire décoller, l'objectif sommital m'appelle sans relâche. Une heure plus tard, à cheval sur cette arête aérienne un couple de chamois me montre le terrain d'envol. C'est donc là où ils broutaient que la voile est étalée dans une brise magnifique. Les nuages offrent des camaïeux de gris incroyable. C'est au milieu des crocus, face à l'immensité qu'il va falloir courir. Le paysage est impressionnant de beauté, seul face au monde qui s'éveille.
Il n'y aura pas besoin de courir, une impulsion, la voile monte docilement et c'est l'ascenseur vers le ciel ! Voler entre ces masses cotonneuses est une expérience inoubliable. Bientôt le sommet est tout petit sous mes pieds, au dessus la pureté de l'azur est vertigineuse. Les cumulus grandissent à vu d'œil et me dépassent largement. Bientôt Chambéry se dégage, adossé à la Chartreuse bien menaçante sous les nuées sombres.