La vie nous offre parfois des enchaînements d'événements positifs dont le parfait déroulement tient du miracle. Rien ne laissait entrevoir aujourd'hui la possibilité d'un vol dans les Pyrénées, certainement pas la météo, épouvantable depuis quinze jours malgré des prévisions moins mauvaises pour cette semaine. Nous avons décidé de venir à Toulouse pour voir la famille et accessoirement voler, c'est pour cela que nous avons rendu visite à Jean-Luc et Natalie au chalet quand le bulletin météorologique s'est montré sous un jour meilleur. Hier soir en arrivant, la pluie était au rendez-vous, un temps maussade et peu engageant, ce qui ne nous a pas empêchés de passer une très bonne soirée.
Ce matin le vent du nord est rageur partout en France sauf au pied des Pyrénées ! Nous avons bien pensé au Pic du Gar mais la proximité de la plaine le rend vulnérable à la bise septentrionale, alors c'est au Plan de Montmajou, plus enfoncé dans les reliefs, que nous commençons à randonner à la première heure. Quel bonheur de marcher dans ces reliefs si doux où le vert est omniprésent. Lentement nous nous approchons de la cabane de Saunère pour y faire une pause réparatrice face à ce panorama d'habitude fantastique mais aujourd'hui bouché par d'abondants cumulus joufflus qui masquent les 3000 du luchonais. D’ailleurs notre objectif est lui aussi dans les nuages.... Toutefois nous espérons une élévation du plafond qui nous permettrait de décoller sous la couche nuageuse.
Là-haut les moutons ont déjà investi le sommet, ils broutent tranquillement un sorbet de verdure, en effet les températures négatives ont pris en masse la rosée qui a figée sur chaque brin d'herbe. A la faveur du soleil, cette glace fondante trempe les voiles qui deviennent gorgées d'eau dès lors que nous les étalons au sol, face à la brise insignifiante venue de l'ouest. Elles seront bien molles à monter au-dessus de nous, alourdies qu'elles sont de flotte glacée. L'envol est laborieux, surtout pour moi... La suite du vol en revanche est absolument magique. Le chaud soleil de mai déclenche un festival d'ascendances jouissives à enrouler. Une brume légère s'échappe de la crête, elle est étrangement roulée par les thermiques en prenant des formes de colonnes doriques surprenantes. Monter au plafond est facile malgré l'heure matinale (10h30) il suffit d'enrouler tranquillement.
Nous traversons la vallée à une altitude vertigineuse, Luchon en dessous ressemble à une maquette. Pour la fin du vol, on a moins rigolé, le vent de vallée s'est levé d'un coup et nous a gratifiés de belles chablattes sur les trois cents derniers mètres. Pour des raisons pratiques, nous avons choisi un terrain brouté à ras par un troupeau de jeunes veaux encore sous leur mère, avec comme inconvénient un tapis de bouses fraîches préjudiciable à la couleur de nos voiles. Alors que nous terminons de plier difficilement nos voiles sur une parcelle épargnée par les bovins, un tracteur s'arrête à notre hauteur et semble nous attendre, on s'est tout de suite dit qu'on allait se prendre une chasse. Dans ces cas là, il est préférable d'aller au contact sans hésiter... Holà, que je lui dis en approchant, le vent nous a déportés. Loin de nous engueuler, le fermier nous pose plein de questions sur le parapente auxquelles je m'empresse de répondre courtoisement, bien content de ne pas avoir à tendre la joue.
Reste à remonter chercher la bagnole à Artigues en stop, Hélène se dévoue à cette ingrate mission. Je lui dis qu'il faut d'abord se rendre à la route du hameau qui est à 2 bornes de là, mais elle n'en fait qu'à sa tête et lève le pouce à la première voiture qui passe. Eh bien tenez vous bien, la bagnole s'arrête à son niveau et la prend en charge. C'est un habitant du village là-haut qui nous a vu passer dans la rue principale ce matin et qui nous remercie d'avoir respecté la tranquillité des résidents en nous garant à l'entrée.