Personne, nous n'aurons vu absolument personne durant notre ascension du Trélod, imposant sommet du massif des Bauges, l'un des plus hauts d'ailleurs. A la cime, la solitude renforce cette sensation de liberté totale comme si nous étions tous les deux seuls au cœur d’un continent perdu. Les hauts sommets de la Vanoise et des Ecrins se sont refaits une beauté, les récentes chutes de neige ayant blanchi les glaciers et colmaté ses ridules. Le tour d'horizon est étourdissant mais il va falloir songer à déplier les ailes, nous n'avons aucune envie de redescendre par ce chemin vertigineux qui se faufile à travers les falaises, d'autant plus que les dernières pluies l'on rendu terriblement glissant.
La pente d'envol, parfaitement orientée aux caresses du soleil automnal de midi, génère une délicieuse brise thermique bienvenue. Mais attention, la prairie est couverte d'une végétation exubérante que la lumière a desséché, la paille des chardons agrippe les suspentes et provoque de belles pelotes de fils, comme si la montagne voulait nous retenir sur ses flancs. La phase de gonflage est délicate et précise afin de ne pas s'envoler tout emmêlé, ce qui rendrait nos aéronefs beaucoup moins stables.
Tout se passe bien pour nous et nous voilà bientôt ensemble dans les thermiques bleus. C'est bon quoi qu'un peu fort, le couinement sauvage de nos varios et quelques froissements des bouts d'ailes calment nos ardeurs. Sans trop persévérer nous quittons la voûte céleste du Trélod pour descendre doucement vers la riante vallée d'École, tapissée de larges prairies verdoyantes où broutent de minuscules bovins, c'est beau comme la Suisse !
Nous nous posons sur la moquette épaisse d'un immense pré d'émeraude face à une douce brise montante. De belles granges rousses disséminées dans le décor mettent une touche de couleur rouge à cette océan de verdure. Nous plions les voiles toujours seuls au monde, heureux de ce retour par les airs limpides des Bauges.