Comme d'habitude en ce moment les prévisions ne sont pas particulièrement exactes. Du grand beau temps annoncé ne reste qu'une minuscule lucarne de bleu au nord, à l'opposé de la destination prévue. Ailleurs un uniforme plafond nuageux gris et glauque occupe le ciel, c'est déprimant, mais quoi ? Laisser tomber ? Pas question, il faut positiver. Toute la montée sur l'Alpe du Grand Serre, je me suis dit que c'était foutu, les nuages, loin de se dissiper, occupent tout l'espace où je me trouve maintenant. Les 500 derniers mètres de dénivelé sont parcourus dans la purée de pois, visibilité 50 m, mais est-ce une raison pour renoncer ? Négatif, le sommet est un objectif prioritaire.
C'est en arrivant sur l'épaule sommitale, là où est plantée une vertigineuse cabane de berger, que l'espoir est revenu. Je suis subitement passé au dessus de la mer de nuages. Ici et là apparaissent de lointains sommets par dessus l'étendue cotonneuse, c'est stupéfiant. Le vent se lève sur la crête sans toutefois être gênant. Tu vas voir que les nuages vont se dissiper ! J'arrive au sommet en même temps que les lacs de Laffrey, 1500 m plus bas, surgissent d'entre les cumulus. Incroyable ! Le temps de courir vers le décollage sud-ouest que les nuages entourant mon sommet finissent de se résorber. Inutile maintenant de se presser, tous les voyants sont au vert.
Serein, heureux et confiant pour mon retour, j'étale la voile face à l'immensité. Le vent est parfait, une impulsion sur les élévateurs et la brise s'occupe du reste. Elle me prend en charge malgré la pente presque plate sur ce grand dôme qu'est le Grand Serre. Si le vol ne durera pas des heures, ce providentiel retour par les airs dans une atmosphère limpide est une joie intense, intense jusqu'à toucher le sol, solitaire au centre du seul champ fauché du coin. Je n’aurai pas vu âme qui vive durant cette jolie balade, ah si, là-haut, j’ai croisé un ange, une charmante bergère sortie de nulle part comme une apparition céleste !