Sortie : Dans l'œil du cyclone.

Cette balade est vraiment plaisante avec ce sentier en zigzags sur une arête effilée. Les points de vue sont variés, notamment sur la vallée de la Romanche que le chemin surplombe parfois de manière vertigineuse. Et puis soudain c'est l'arrivée sur le plateau sommital, un Altiplano d'une beauté sauvage. Aux brutales lignes verticales des falaises succèdent de doux vallonements couverts d'herbe jaune dont la monotonie n'est brisée que par de maigres pins sombres et odorants. L'impression de marcher sur une exoplanète est réelle, un monde inhabité où tout est parfait et apaisé. Avancer dans cet environnement ne demande aucun effort et ça tombe bien je commençais à avoir moins de jus.

 

Au Col Saint Jean, c'est le calme plat mais bonne nouvelle, quand la brise se fait sentir, elle vient du Nord ! Alors j'en termine avec le sommet par ce nouveau sentier parfaitement tracé qui évite ainsi de se poser des questions métaphysiques sur le meilleur passage à suivre. Là-haut c'est toujours la pleinitude totale, on pourrait entendre Nike Dake entonner son magique Fruit Tree. Un souffle imperceptible vient de différentes directions avec cependant une petite préférence pour le Nord, ça tombe bien c'est par là qu'on s'envole !

 

J'étale la voile cinquante mètres à l'ouest du sommet, tout est calme. Alors que je suis prêt, en attente d'un imperceptible mouvement d'air favorable, apparaît brièvement à la croix une jeune fille, elle disparaît le temps de mon salut. A-t-elle déclenché la bulle salvatrice, je n'en sais rien, quoi qu'il en soit la brise est maintenant parfaite pour mon essor. En trois pas je suis en l'air au dessus de ce plateau extraordinaire, j'évolue comme dans un rêve éveillé. Alors je tourne à l'Est pour passer le col Saint Jean et me retrouve au dessus des abîmes insondables du versant oriental qui dominent Bourg d'Oisans. On a beau avoir l'habitude, ce brutal changement d'environnement est vraiment impressionnant. Au calme absolu succède une agitation thermique revigorante, plus question de rêver !

 

Tout à l'heure pendant ma grimpette matinale, en passant ma tête au dessus de la falaise ensoleillée, la brise thermique était déjà bien présente, il n'y a aucune raison qu'elle soit essoufflée maintenant. Effectivement le vario se met à biper au dessus de la crête immense. C'est vaste, l'immense paroi déchiquetée fait office de four solaire, il suffit de tourner pour monter peu à peu. Seul au monde dans ce gigantesque cirque de pierres branlantes, je n'en mène pas large, aussi je ne vais pas m'éterniser dans ces parages agités et file vers la vallée de la Romanche. Au fond les grands sommets de l'Oisans montrent leurs plus beaux profils, en bas la rivière domptée par les hommes coule tranquillement. Le vent de vallée n'est pas encore levé et trois jeunes biches broutent tranquillement juste à côté de la manche à air, un vol quasi miraculeux dans l'oeil du cyclone !