À la faveur d’une éclaircie, je retente aujourd’hui mon emblématique Scie du Bost-La Perdrix, un poil plus exigeante et plus en altitude que ma dernière rando vers Salvaris. À tout hasard je pense à emporter mes petits crampons à neige, mais impossible de les retrouver… Tant pis, ça fait un moment qu’il n’a pas neigé, je m’en passerai.
D’ailleurs, depuis ma route d’accès j’aperçois juste un peu de neige qui saupoudre les crêtes sommitales. Me voilà rassuré.
Quand je pars du parking (vide) de la Scie du Bost vers 14h30, le ciel est bleu-blanc-gris, il fait doux, avec juste une petite brise caressante, ça me va.
À la montée je compte bien reprendre l’ancienne VN débalisée, dont je ne suis toujours pas lassé. Quant à la descente, je verrai : j’ai repéré ce matin à tout hasard une nouvelle variante possible sur IGN, que je pourrais inaugurer le cas échéant, si l’horaire le permet vu qu’elle parait sensiblement plus longue.
Arrivé au Saut du Gier, petite déception : je trouve la cascade moins fournie que prévu (celle, pourtant bien plus modeste, de Chorsin le 31 décembre dernier, l’était bien davantage). Mais en revanche, elle s’est parée ici ou là de délicats filets de glace du plus bel effet, tout scintillants quand le soleil les touche. Mais il est bien loin le temps où, au coeur de l’hiver, elle se transformait parfois en une immense cascade de glace que des grimpeurs aguerris escaladaient allègrement…
Puis je pars à l’attaque de mon "mur", comme je me plais à nommer la raide grimpette dans des blocs du chirat qui jouxte ici le Saut du Gier. Je le surmonte avec plaisir, me voilà rassuré sur ma forme du jour. J’avale ensuite sans problème la longue montée en sous-bois qui s’ensuit, traverse la première piste (en fait un chemin forestier) avec son énorme cairn. C’est un peu plus haut, vers 1160m, que je trouve les premières traces de neige. Rien d’inquiétant a priori, mais très vite ça se densifie, et arrivé au raide et très caillouteux chemin creux qui mène à la seconde piste, me voici en difficulté : il est tout verglacé, seuls les quelques cailloux qui dépassent sont praticables ! L’exercice se révèle vite pénible et risqué, si bien que je finis par sortir du chemin pour monter dans les bois attenants. Mais là non plus ce n’est pas la joie : plus de verglas certes, mais une épuisante course d’obstacles dans la neige, les buissons, les ronces, les troncs et les branchages tombés au sol…
Quand j’arrive enfin déjà bien énervé à la piste 1200, toute verglacée elle aussi (mais il suffit de la traverser), je me pose la question : renoncer ou continuer ? Finalement je traverse la piste et je continue. Mais là ça rien ne s’arrange, le sentier est impraticable et ses abords aussi, pour les mêmes raisons que précédemment. Alors, vers 1220m, exaspéré, la mort dans l’âme comme on dit, je me résous à faire demi-tour.
Quand je retrouve ma piste verglacée, 20 m plus bas, je m’affale, dépité, sur un petit rocher : que faire maintenant ? Soit redescendre par mon itinéraire de montée (plus court, et en prenant plus bas à gauche ma variante bien connue qui évite le "mur") – ça me parait le plus sage. Soit tenter quand même ma variante découverte hier sur IGN (plus long, et avec le risque de me planter alors que le jour commence déjà à décliner) – c’est évidemment moins raisonnable mais tellement plus excitant !
Je n’hésite pas bien longtemps: impossible de résister à l’appel de la découverte d’un nouvel itinéraire (je me connais…). Donc je m’engage résolument à gauche sur ladite piste toute verglacée, mais dont les bas-côtés herbeux (sous la neige…) paraissent praticables. Ils le sont en effet, et j’avance rapidement. Mais au bout d’un certain temps je suis pris d’un doute : pourquoi la piste, qui devrait descendre, reste-t-elle obstinément horizontale ? Et même, voici qu’elle commence à monter ?!? Cette fois c’en est trop, je jette un coup d’œil sur la carte et je comprends aussitôt : je me suis trompé de piste !!!
Et merde !
Evidemment la "piste" qu’il fallait prendre, parallèle à celle-ci, se trouve 75m plus bas (1125m au lieu de 1200).
Y a plus qu’à faire (encore une fois !) demi-tour. Et vite !
C’est à l’exact instant du demi-tour que j’aperçois une soixantaine de m. plus loin, sur la gauche de ma piste toujours verglacée, un objet blanchâtre non identifié et qui m’intrigue : c’est quoi ce truc ? Malgré l’horaire de plus en plus tardif je ne résiste pas à l’envie d’y aller voir. Et c’est une magnifique et bien épaisse petite cascade de glace qui m’attend, un vrai petit bijou dont la vue me ravit et me console de mes déboires.
Et c’est tout revigoré par ma découverte que je fais pour de bon cette fois-ci mon second demi-tour, et je presse le pas dans la neige sur le bas-côté. Et je le presse si bien que je me prends le pied dans le lacet traitre et invisible d’une ronce et me retrouve à terre. Heureusement, plus de peur que de mal, tout va bien.
La suite est facile à deviner : l’assez long retour sur la piste jusqu’au fameux gros cairn, d’où je redescends aussitôt par la voie de montée (passage à nouveau bien pénible) jusqu’à la "piste" 1125. Et là, je respire un bon coup : finis la neige et le verglas, à gauche toute sur mon beau chemin forestier, bien sec et surtout… descendant ! Il est 17h10, j’ai encore un peu de temps avant la tombée de la nuit, et à condition de ne pas me tromper je me dis que ça devrait le faire. D’ailleurs au cas où, ma frontale est prête à l’emploi dans mon sac à dos. Et à partir de là ce n’est que du bonheur. Je suis sur mon petit nuage, l’itinéraire est plaisant, c’est un bon chemin forestier en descente régulière, parfaitement tracé et pratiquement sans caillasses. Et il est facile à suivre avec ses trois fourches évidentes aux altitudes attendues.
Enfin, en guise de récompense pour mon audace, j’aurai droit à encore deux petits bonheurs peu avant mon retour au parking : d’abord une vingtaine de mètres en compagnie du charmant petit ruisseau du Grand Creux ; puis, à proximité immédiate de la Scie du Bost, et tout comme lors de mes deux précédentes randos, un magnifique embrasement de l’horizon en face de moi, annonciateur d’une belle et imminente nuit d’hiver.
J'arrive au parking à 18h pile poil.
De toute l’après-midi, je n’ai rencontré personne...