Je n'épiloguerai pas sur le vol rando du jour qui fut superbe. Les 1000 mètres de dénivelation qui me séparent du sommet ont été vite envoyés en passant par les raccourcis, les conditions de vol parfaites par dessus le magnifique vallon du Haut Breda.
C'est en arrivant au dessus du terrain d'atterrissage que ça s'est un peu compliqué... Ma flamme installée ce matin au bord de la route a été sauvagement cassée... Mais plus grave encore, le tiers supérieur du champ est maintenant occupé par plusieurs centaines de moutons, les deux tiers restants sont couverts de foin arrivé à maturité. Si la surface du terrain reste suffisante pour se poser, il y a quand même deux soucis. Comme le terrain est en pente, je suis obligé de faire une approche en rase-motte au dessus des moutons qui risquent de paniquer. Par ailleurs je ne tarde pas à voir le berger et ses deux patous féroces au milieu du foin. Ils sont en train de me regarder venir et les deux molosses sont tous crocs dehors...
Fuyons ! Cap au nord vers des terres plus hospitalières. C'est en bordure d'un autre champ en aval que je trouverai refuge. J'atterris comme une fleur et sans piétiner l'herbe puisque je suis sur la route ! A peine suis-je posé qu'arrive en face de moi une bagnole conduite par un petit couple de vieux qui, à eux deux, doivent avoir 180 ans de labeur. Je me range sur le côté et lève le pouce avec la voile en corrolle sur mon dos. Ils s'arrêtent et disent habiter à 100 mètres de là. Toutefois ils se proposent de m'emmener à ma caisse. En voiture Simone !
Je bourre à grand peine la voile sur le siège arrière de la vieille R18 collector et m'assois comme je peux dans l'espace restant qui est très exiguë. Le petit couple, charmant au demeurant, me dépose sur le grand parking à côté de ma voiture. Et la grenouille ?
C'est en étalant ma voile pour la plier que je découvre un énorme batracien avachi sur le goudron brûlant. Je vous rappelle que c'est actuellement la canicule et qu'il fait déjà 27° sous un soleil cuisant. La pauvre bête est si molle qu'elle parait crevée. Mais non, en la touchant, ses yeux glauques se tournent vers moi ! J'entreprends alors de sauver l'animal d'une agonie probablement désagréable. Je la pousse inerte sur le dos de mon téléphone sans difficulté pour la porter jusqu'au Breda qui coule 100 mètres plus loin. Hélas la rivière à cet endroit est furieuse avec une prise d'eau qui risque d'engloutir le batracien amorphe. Heureusement plus en amont se trouve une petite plage idéale, mais elle se trouve dans une propriété privée. Comme elle ne semble pas occupée, je pénètre dans le jardin et descends sur le rivage. A peine ai-je posé la grenouille dans l'eau qu'elle a subitement repris vie. La voilà qui nage vivement vers une cachette, comme ressuscitée !
Satisfait de mon action je remonte dans le jardin, et c'est là que je suis tombé sur le propriétaire...
Qu'est-ce que vous foutez chez moi ? qu'il me gueule dessus.
Sans me démonter je lui réponds fièrement que je viens de sauver une grenouille.
Est-ce que je pénètre dans votre propriété monsieur ? Qu'il m'aboie dessus.
Mais je vous dis que je viens de sauver un batracien d'une mort certaine. Le xénophobe n'en a manifestement rien à foutre. Dans ces cas là il n'y a qu'une chose à faire, mépriser. Je suis parti comme un prince finir de plier ma voile laissée au soleil sur le parking.
Je suis rentré à la maison doublement satisfait de cette journée, un vol magnifique et un batracien sauvé.