Roc Garnesier - itin (Sortie : le sommet manquant)
Je dépoussière ce post et un article que Pierre Baldensperger avait pris le temps de retranscrire afin qu'il ne se perde dans les limbes.
Voici l'article, Une fois à la Tête de la Plainie, un texte de Jean-Marie Faure (2002).
(Edit luc - nov 2021)
Merci Pierre d'avoir pris le temps de nous ramener à la surface ce beau texte en effet !
On est bien d'accord je parlais bien de la VN qui est déjà un gros challenge Jamais je ne mettrai les pieds dans du terrain quasi vertical et péteux scabreux
Après, aller faire la "voie normale" de la face Ouest est déjà bien joli et peut-être suffisant, avant de se lancer dans l'arête Nord :-)
Ce sommet m'attire depuis une certain temps pour ne pas dire un temps certain. Mais à la lecture de ce récit pourtant fort bien achalandé, le doute soudain m'envahit et l'envie d'en découdre s'est brutalement estompé. Peut-être un jour néanmoins oserais-je y trainer mes guêtres mais à cela rien n'est moins sûr!
Merci pierre, pour ce texte. C'est fort !
Merci beaucoup à tous pour vos réponses. Sans surprise, j'en déduis que ça reste quand même du "top niveau" côté expo : il doit falloir un mental d'acier et un pied très sûr pour passer. De toute façon c'est très bien qu'il reste des coins "exclusifs" comme ça, c'est ça qui entretient le mythe et la fascination pour ce magnifique morceau de Dévoluy. Au hasard de Google, je suis aussi tombé sur ce récit (assez lapidaire) d'une traversée effectuée par des alpinistes chevronnés : [url]http://www.escalade-aventure.com/realisation/arete-haut-alpine-2007/arete-haut-alpine-live/[/url] (voir récit et photos de l'étape du 5 Juin 2007) En relisant mon propre topo, j'ai retrouvé la mention du très beau texte de Jean-Marie Faure qui avait été un temps publié sur le blog du CAF de l'Obiou. Malheureusement il semble avoir disparu d'internet depuis tout ce temps. Fort heureusement, j'en avais imprimé un exemplaire et je viens de le retaper pour vous en faire profiter et essayer modestement de lui donner une "nouvelle vie" à travers Bivouak. Même si nous sommes en plein coeur du sujet, je ne sais pas si l'endroit est le mieux approprié (la grande qualité littéraire de ce récit, évoquant de manière si juste des émotions que nous avons tous ressenties en ces lieux, mériterait à mon avis d'être mis en valeur par une publication moins confidentielle). Source : article "hommage à Jean-Marie Faure" publié sur le blog "CAF de l'Obiou", le 27 Février 2007 Introduction par Jacques Carton (président du club) "Jean-Marie Faure, fondateur du club dans les années 70, nous a quittés il y a 3 ans aux Rouies, nous ne l'oublions pas et le texte qui suit, récit de course, montre à quel point notre ami avait le sens de l'aventure alpine et de l'écriture." [u:ea7b7b0d75][b:ea7b7b0d75]Une fois à la Tête de la Plainie.[/b:ea7b7b0d75][/u:ea7b7b0d75] [i:ea7b7b0d75] La Tête de la Plainie mérite contemplation ou prospection, la première n'excluant pas absolument la seconde, celle-ci allait m'amener, plus tard, beaucoup plus tard, à une troisième, l'introspection. En clair, (qu'est-ce que je fous là !) accessoirement (mon dieu !). L'histoire commence il y a une douzaine d'années en débauchant deux compagnons dans le but d'enlever de haute main cette cime altière qui domine la Jargeatte et sur le versant Est de laquelle le bon docteur Desmoulins écrira une des plus belles pages d'amour de la montagne et de la Tourte Grasse réunies. Le but de la cordée est de gagner cette cime par un trajet non conventionné faisant fi de toute voie dite normale. Ce qui nous conduira de clapiers immondes en désillusions profondes, d'élévations douteuses en désescalades râpeuses pour s'achever, têtes basses, dans la voie susnommée. N'empêche que, à montagne figée tête bornée, cette arête outrageusement exposée à mes yeux Triévois m'agaçait sérieusement et d'année en année me faisait rôder en son pourtour tel Matheysin devant une devanture de vins fins. Il fallait mettre un terme à cette provocation, trouver la bonne formule, effacer le doute, contraindre la gueuse. Ainsi, la contemplation à la jumelle me convainquit que l'accès à l'arête ne pourrait se faire que d'une façon détournée, légèrement sournoise donc. La défense organisée à l'ouest étant constituée de tombereaux (pleins !) alignés en bon ordre, prêts à déversement au signal (n'importe lequel, n'importe quand). Etude de terrain, étude de carte, ne manque plus qu'une reconnaissance, un sac, une gourde, un casque, pour le soleil, pas de corde, pas de pitons donc pas de masse, une reconnaissance est une reconnaissance sinon pourquoi pas du ciment et une gamatte, n'est-ce pas ? Une reconnaissance est une manière de déambuler de façon nonchalante sans précipitation, l'air de rien, en touriste, donc je prends une piste forestière qui conduit benoîtement au tout haut de la petite station de la Jargeatte face au Col des Aiguilles, au parking où je gare ma petite voiture (toute petite, pour une reconnaissance) ; un agent de l'ONF engage la conversation et me pousse un peu sur le comment du pourquoi : "Z'avez au moins un portable ?". "Non, mais j'ai ma tabatière". Il se détourne, je pars reconnaître. D'abord le torrent du Col des Aiguilles puis à doite dans un vallon dominé à l'Est par le Haut Bouffet à l'Ouest par les escarpements de l'arête Nord de la Tête de la Plainie. Tout droit dans le pierrier serait douce folie, ce sera rive droite, dans les schistes, fond de ravines, bord de ravines, haut de ravines, fond de ravines sur fond de pantalon, les chamois sont hilares. N'empêche que je gagne le haut du cirque tout au pied de la grande paroi vraiment splendide à contempler, ce que je fais longuement, mais là faut pas exagérer non plus, enfin... une belle vire à brebis me dépose au pied du ressaut de l'arête avec vue plongeante sur la face aux tombereaux. J'ai reconnu, j'ai vu, j'ai su, mais encore parce que plus haut je ne vois guère, donc allons voir. Attention Jean-Marie ! Attention ! Pas de corde, sais-tu ? Le casque, pour le soleil, entendons-nous bien donc règle absolue, tu montes un peu d'accord, mais avec l'oeil aux fesses tous les mètres, tiens ! si tu laissais ton tabac dans l'herbe, là, hein ? comme ça, sûr que tu n'irais pas loin, non ? le tabac ?! mes chaussures à la rigueur. Un mètre, qu'est-ce que c'est dans la vie d'un homme, dix mètres, cinquante alors ? Cent !! Guère plus ma brave dame, guère plus mais à descendre alors ? Ah !? Descendre dites-vous ? Faut pas plaisanter avec les mots madame, des choses comme ça on les pense si on veut, on ne les dit pas, voyez-vous. Parce que maintenant, faut plus rire, ce n'est plus de l'escalade mais de la vraie tendresse, de l'adoration, chaque prise devient un prie-dieu, je suis un croyant, un vrai, plus que moi y'a pas. J'arrive pieusement à la zone de chargement des tombereaux. Malin, va ! A ma droite, une zone de dalles bien propres, oh ! pas verticales, non, non ! Je dirais plutôt plongeantes, pour l'élan... mais au-delà, peut-être la rédemption voyez-vous. Au-dessus, l'arête disgracieuse au possible mais qui m'attire, c'est reparti, à l'arête toute, chaque chose déplacée devra être remise à sa place sitôt son usage accompli. Je suis à l'arête et ça va pas, mais pas du tout, en son faîte court une faille immonde qui la coupe dans la longueur et va buter contre un versant où les corneilles ont planté un panneau d'interdiction de survol. Demi-tour donc et retour aux dalles, en traversée pieds aux mieux, doigts, parties terminales, on cherche bien, c'est fait, calmer la jambe droite puis la gauche (y'a pas de règle). Trente mètres guère plus, dans la vie d'un homme..., beaucoup madame, beaucoup. Assis, du sac je sors la gourde et l'introspection, y'a rien d'autre, je pose le casque, il m'énerve. J'aurais mieux fait de prendre du ciment et... bon, y'a pas de mal à se rappeler au bon souvenir d'en haut, pas ! la suite ? banale, j'ai pris des prises, parfois meilleures, parfois absentes à l'instant, j'ai vu du génépi, j'en ai plein à la maison. Le sommet était bien en haut comme dit sur la carte. J'ai cru ne pas reconnaître la descente, donc j'ai juré... Plus bas, j'ai fait contemplation, longtemps, en bricolant la source sous le Col de Corps, encore plus bas j'ai croisé un jeune chasseur de chamois, on a parlé, je pense qu'il m'a pris pour un âne. Je vais vous dire une bonne chose, tout n'est pas complètement pourri en ce monde, mais... [/i:ea7b7b0d75] [b:ea7b7b0d75]Septembre 2002 Jean-Marie Faure.[/b:ea7b7b0d75]
Salut ! Oui j'ai relu ton topo...! L'itinéraire que j'ai pris rejoint l'arête Nord quasiment au sommet, assez loin de l'endroit où elle descend franchement. Mais ce que j'en ai vu semble à la fois bien raide et pourri... J'avais lu (peut-être ici même, peut-être même dans le forum après que tu ai posté ton topo ?) que Lionel Daudet l'avait empruntée dans le cadre de son tour des Hautes-Alpes par les arêtes, mais de là à savoir s'il a posé un rappel...
Waouh ! Superbe ! Chapeau Guillaume !! Pendant que tes souvenirs sont frais : il y a une bonne poignée d'années, j'étais allé explorer cette voie hasardeuse : [url]http://www.bivouak.net/topos/course.php?id_course=2541&id_sortie=3584&id_sport=2[/url] La suite avait l'air vraiment détestable, mais je me demandais si tu avais par hasard pu regarder ça depuis le haut pour savoir si l'impression est la même ou s'il y aurait éventuellement un espoir d'effectuer la jonction avec la voie qui monte du col de Corps.
Oui c'est ça. J'ai vu (après coup) qu'il est aussi tracé sur une photo hivernale par Jean-Marc. Le plus vertigineux je trouve étaient quelques courts passages de la traversée sous la face (dans les petits couloirs). Ensuite le final est raide mais moins exposé au vide, et les 10 mètres d'arête finale ayant de bonnes prises de main ne m'a pas semblé difficile. C'est plutôt en dalle que j'ai du mal !!
Salut Guillaume, Bravo pour l'ascension de ce sommet assez rarement parcouru. Tu es donc finalement monté par l'itinéraire que j'avais dessiné ici ? : [url]http://langlais.sebastien.free.fr/devoluy.htm[/url] Pas trop gazeux le final pour rejoindre le sommet principal ? A+, dans le Dévoluy ou ailleurs ! Seb