07/05/2012 - Col de l'Alpette - Massif de la Chartreuse
J'avais hâte que la neige fonde ; j'avoue ne pas apprécier cette période pendant laquelle le sol est spongieux et où les chemins deviennent une succession de passages boueux ou de névés dans lesquels on s'enfonce. J'avais fait une sortie le 16 mars au Moucherotte et une ébauche de rando en Avril au Col de Bellefond, que j'avais interrompue parce que c'était trop chiant dans cette mélasse. Je pensais voir le printemps arriver mais c'était sans compter sur cette imprévisible et massive chute tardive, autour du 20 avril.
J'imaginais que les températures normales de la saison avait fait disparaître le manteau restant, permettant d'entrer véritablement dans le printemps. Direction la Chartreuse, dans sa partie Savoyarde, pour tenter le Pinet, repérer un peu le secteur et voir si je me sens capable de faire le sangle du sommet éponyme quand il sera praticable. Je débute donc du parking de la Plagne à 15h00 où je rencontre un skieur qui redescend : c'est mauvais signe. Je me renseigne et il m'apprend qu'il reste encore pas mal de neige sur la réserve des Hauts, qu'il lui parait ambitieux de vouloir se rendre au Pinet dans ces conditions. Nous verrons bien. Je commence donc ma marche par la route forestière (vraiment sans grand intérêt) avant d'attaquer le sentier à proprement parler. Je suis assez surpris de voir combien il est balisé et aménagé (contremarches en rondins de bois, mains courantes, peinture partout) : je me demande si c'est le fait d'être sur le territoire de communes de Savoie et plus de l'Isère qui induit ce changement. L'itinéraire traverse la forêt et offre peu de perspectives sur le village, il grimpe assez raide. Je rencontre la première plaque de neige à 1500 m et arrive au Col après 50 minutes. L'alpage est très dégagé mais toutes les zones de forêt sont pour leur part encore bien enneigées de cette neige moche, brune et pleine d'aiguilles de sapins.
Je m'offre une petite pause aux cabanes et je croise un randonneur descendant par le GR. Il revient effectivement du Pinet : il m'explique qu'on s'enfonce jusqu'aux couilles et que ce n'est vraiment pas une partie de plaisir. Je m'engage malgré tout. Après quelques minutes, je lui donne raison. Je n'ai pas spécialement envie d'une bavante et décide donc de retourner sur l'alpage où je glandouillerai à satiété. Je redescends vers les cabanes où une marmotte me reproche mon passage en sifflant. Je parviens à la voir mais pas à la prendre en photo. Je remonte alors vers le sentier menant au Pas des Barres après avoir croisé un écureuil. Là, dans la rocaille au pied de la pente sous les falaises orientales du Granier, ce sont plusieurs marmottes qui me toisent. Je m'installe donc (trépied + 300 mm) et commence à les chercher. Je travers le pierrier, contourne un énorme bloc erratique et là, me retrouve face à face avec une grassouille. De panique, elle siffle avant de déguerpir, me faisant sursauter plus qu'elle sans doute. Je retourne alors sur mon promontoire et entend un sifflement plus convaincu que précédemment. Ce n'est pas pour moi : je vois passer un renard en contrebas, à environ 30 m. Je n'ai pas le temps de me baisser qu'il lève les yeux sur moi : il m'a vu mais ma présence ne le gêne pas. Il continue en suivant le sentier, s'arrête pour me fixer à nouveau, fait le tour d'un rocher, me fixe, puis monte progressivement la pente pour venir vers moi. Bien sûr, je le mitraille...
Je me rappelle alors d'un photographe animalier sur Benelux expliquant avoir pu prendre plusieurs images d'un renard se rapprochant de lui en le fixant. Au début, il était content. Il l'est resté jusqu'à ce que le vicieux l'attaque et le morde pour lui voler le sandwich contenu dans son sac. Et là, je repense aussi au légendaire Goupil de Chaumailloux : chapardeur dans un premier temps, puis racketteur ensuite. L'ONF a finalement décidé de sa chasse après quelques agressions de promeneurs. Vu la manière de me regarder de celui-là, il sait que je suis potentiellement un porteur de sandwich : soit par habitude des randonneurs dont il connait les comportements (auquel cas il me rattache à l'échantillon statistique), soit parce qu'il a senti mon Jambon-Beurre. Je me dis qu'il n'y a que deux solutions :
- soit il va venir mendier / racoler comme le chat de la Ruchère
- soit il va venir me déposséder par la force.
Je prépare donc mes bâtons pour lui latter la gueule, le cas échéant. Il continue à se rapprocher, en zigzaguant. Ma pleutrerie étant légendaire, je ne lui donne même pas l'occasion de valider l'une ou l'autre de mes hypothèses. Sa force de persuasion suffira : je sors mon sandwich dont j'envoie la moitié à une dizaine de mètres. Il a l'air d'aimer ça (même les cornichons). Bien sur, pendant ce temps je mitraille.
Il a désormais fini son/mon sandwich. Il sait qu'il m'en reste la moitié et se rapproche de moi à nouveau : il est à 6 m. Je replie alors mon matériel et je pars. Je suis déjà content d'avoir eu cette rencontre et ces images : rester plus pour en prendre d'autres pourrait nous conduire à une escarmouche s'il en veut à mon/son demi-sandwich restant. Je m'enfonce dans la pente et le perds de vue, lui qui reste sur le plateau. Il ne me suit pas. Au bout de quelques minutes, je me dis alors qu'il n'y avait pas d'agressivité chez lui et je retourne à sa rencontre : il n'est plus là. Je continue sur le sentier menant au Mont Granier et je croise un promeneur. Je lui demande s'il a vu un renard. Il me répond par l'affirmative : il l'a croisé en trottinant, à 5 m de lui.
Je me sens alors comme un affreuse vieille connasse sarkozyste qui, sortant un soir de Neuilly, aurait pris le métro, croisé dans un couloir un "jeune homme basané" et en aurait forcément déduit qu'il allait l'agresser pour lui voler son sac à main. Pour le jour 1 du changement, je ne me félicite pas.
Je continue à déambuler sans but sur l'alpage, dans la clarté du jour et sans ambition autre que celle de profiter du moment. Un chamois traverse le plateau, me remarque et reprend sa course vers la forêt et les crêtes. Je me rapproche du Col où je pense rester jusqu'au coucher du Soleil. Voyant qu'il sera contrarié par un voile laiteux, je préfère redescendre et ne pas revenir trop tard à Lyon. Je quitte donc l'alpage vers 19h30 pour arriver 30 min plus tard à la Plagne. Deux ânes sont dans un enclot. Depuis ma complicité avec Bison, je suis devenu super pote avec eux... Je prends quelques images sous des lumières flatteuses. Je visite un peu le hameau, dans une ambiance à la Terrence Malick faite de contre-jours et de lumières diffuses. C'est exactement dans ce genre de lieux que j'aimerais avoir un modeste pied à terre. Je prends quelques panoramiques des falaises sous le Pinet avant de prendre la route. Arrivée à 22h15 à Lyon