Un petit incident de vol qui aurait pu mal finir.....
Ce matin je me dirige vers l'endroit le plus nuageux de la région, le Sud resplendit dans les premières lueurs du matin, la Dent de Crolles émerge d'une mer de nuages diaphane. Même le Mont blanc brille sous les premiers rayons du jour alors que je traverse Montmélian. Mais le Morbié Pelat, mon objectif, reste depuis l'aube dans de sombres nuages gris métal dont il n'est pas exclu que des gouttes en tombent encore....
D'un optimisme néanmoins débordant, je gare la voiture devant l'attérro dont on ne distingue que l'amusant www.bivouak.net/album_photos/photos-id-24086-id_sport-16.html, le reste étant absorbé par ces épaisses nuées humides. Marchons, nous verrons bien. Les coteaux pétaradent de détonations sèches. Mais dans quoi tirent-ils donc? On n'y voit rien ??? Je croise un puis deux chasseurs fort aimables, et puis deux autres encore, presque des enfants, le premier tient bien dans ses deux mains un fusil à lunette - option totalement inutile dans ce brouillard - , il semble suivre à la lettre les recommandations du papa concernant les procédures de sécurité... me voilà rassuré. Plus haut ce sont deux chiens de chasse efflanqués qui me prennent en affection, nous ferons un bout de chemin ensemble, eux bien sagement dans mes talons, laissant parfois jaillir du profond silence qui nous entoure un aboiement rauque qui me fait systématiquement sursauter.
Au col de la Sciaz, point de non retour en cas d'éclaircie, le ciel bleu incite à poursuivre la balade. De furtives apparitions des coteaux laissent entrevoir les premières vraies couleurs d'automne, un régal. Alors que les derniers mètres sont parcourus, l'inquiétude du vent fort, annoncé bizarrement par météoblue, disparaît, de même que celle de la visibilité trop réduite, bien qu'il y ait un stratus épais heureusement décollé du relief. C'est donc avec un plaisir consommé que je déplie la voile non loin du sommet où sont postés en vigie d'autres carnassiers.
Place au vol !
Après avoir scrupuleusement suivi le protocole de préparation du matériel, je m'élance dans une petite brise idéale, la voile bien propre monte impeccable - quoi qu'à y réfléchir, elle n'est quand même pas montée bien vite – et je cours dans la pente de plus en plus raide. À peine mes pieds ont-ils quitté le sol qu'il me semble étrange de voir la trajectoire anormale de l'aéronef, l'aile plombe sévèrement tout en tirant à gauche. Un rapide regard vers le cône de suspentage me confirme ce que j'avais bien observé durant la phase de décollage, il est nickel... Pendant quelques secondes j'ai pensé à me poser en travers de la pente et puis je me suis dit que je devais être dans un rabattant sournois, peu probable mais quoi d'autre ? Les secondes m'ont paru très longues. Avec ce taux de chute invraisemblable, impossible de rejoindre le terrain, en plus il me faut garder du frein à droite pour conserver le cap... J'escompte bien sortir de cet étrange phénomène en passant sous la barre de nuages qui bouche l'horizon. Moi qui voulais justement descendre vite pour passer sous ces nuages afin de conserver la visibilité correcte, je suis servi.
Arrivé sous le stratus, le taux de chute est toujours aussi mauvais, c'est une certitude, si je n'en trouve pas la cause rapidement, dans deux minutes je suis dans les arbres... Alors je scrute encore la voute du parapente qui est décidément parfaite, vérifie si la pédale de frein n'est pas sous tension, mais non tout est normal. Maintenant je réfléchis au dernier vol et à la raison qui aurait fait perdre à ma voile six des huit points de finesse qu'elle avait encore la semaine dernière... Invraisemblable. Alors que la cause semblait perdue, je regarde parapente52.free.fr/materiel/images/materiel1.GIF, et c'est là que j'ai vu la raison de ce désagréable comportement : l'élévateur C fait une petite clé discrète dans le système de mouflage du frein, réduisant sa longueur de quatre ou cinq centimètres. À peine ai-je voulu toucher cette anomalie que la sangle s'est dénouée, redonnant à la voile sa belle finesse habituelle.
Bien que diablement bas dans le vallon, l'inquiétude quant au point à atteindre a instantanément disparu. C'est dans ces moment là qu'on apprécie les performances incroyables de ces chiffons volants. Au dessus du terrain ensoleillé et sous la barre de stratus, il faut commencer à préparer l'approche, c'est à ce moment, alors que je n'avais plus goût au vol, que je suis entré dans un thermique doux. Oh pas un pétard infernal, non, juste une petite brise qui m'a permis de tenir encore et encore. Au bout d'un bon tiers d'heure, mes petites misères du début du vol sont vite oubliées, je tourne largement dans un air limpide au dessus des vignes, moments délicieux qui s'étirent dans le temps. Je serais prêt à tenir des heures dans des conditions si douces, là, à peine 200 mètres au dessus de l'attéro doucement balayé par le thermique qui vient du fond de la large vallée.
Je me pose finalement à peu près bien si l'on excepte la bouse de vache fraiche qui me fait déraper à l'instant même où je touche le sol. Voilà un vol étrange en deux parties, la première à la Hitchcock, la deuxième qui s'est distendue savoureusement, un peu comme cette version fabuleuse d’www.dailymotion.com/video/x12u5v_hotel-california-the-eagles_music magnifiquement interprétée par des Eagles vieillissants, mais encore parfaitement aptes à jouer unplugged leur tube légendaire.