Capiteux Lys Martagon aux parfums entêtants, délicieuses raiponces hémisphères, aguicheuses gentianes de Koch au velours céruléen dont la profondeur tranche avec les pâles myosotis azurés, foisonnants géraniums, luxuriantes orchidées aux feuilles mouchetées, ténébreuses orchis vanillées, je marche, sans cesse émerveillé par tant de beauté. C'est comme autant de filles fleurs ondulant sous une douce brise, au détour du sentier elles apparaissent soudainement avant de disparaître tout aussi furtivement. Au bout d'un moment, le chœur des filles fleurs me revient sans cesse à l'esprit, serais-je au coeur du jardin de Klingsor ? la vision d'une petite vipère au milieu du chemin me conforte dans cette idée, si sa taille est encore minuscule, pas plus d'une quinzaine de centimes, elle n'en demeure pas moins agressive. Alors, du bout du bâton je lui barre la route pour pouvoir la prendre en photo et immortaliser cette matérialisation de ce qui pourrait être Klingsor.
Cette balade est somptueuse, en arrivant au col d'Hurtières par les trois petits tunnels, une douce brise venant du nord m'accueille dans une douceur printanière, et en plus ça va voler ! Les deux cents derniers mètres qui me séparent du sommet sont vite avalés. Là-haut, le vent est carrément nord-ouest, si le plan de vol est contrarié, m'obligeant à un décollage sur le froid versant occidental, il n'en demeure pas moins superbe au dessus de la vallée de la Bonne, la préparation de la voile est facile au milieu d'une prairie foisonnante. Sitôt en l'air, il suffit alors de se laisser porter contre le relief sur la brise souveraine qui me porte au-dessus de tout. Si les Écrins brillent dans une lumière généreuse, le massif du Devoluy est nimbé de joufflus cumulus annonciateurs d'orages.
En attendant, le vol se poursuit tranquillement, l'air tiède de la vallée ralentit la descente inexorable, il est encore trop tôt pour tenir, néanmoins par moment, de longues spirales dans les colonnes d'air chaud me permettent de profiter encore de ces paysages uniques. Le village d'Entraigues se dévoile enfin au bout de la longue crête sur laquelle je m'appuie. C'est sur une piste d'atterrissage amateur que je me pose tout doucement, comme une fleur. Encore une fois les prévisions de météo-parapente se sont révélées parfaitement exactes et précises, le Valbonnais est le seul endroit à l'abri du fort vent du nord qui souffle depuis deux jours.