L'instabilité s'est installée sur les montagnes. Des orages très ponctuels ont lâché quelques averses sur la Chartreuse, rien sur les autres massifs. Ce matin quelques cirrus de moyenne altitude traînent sur les montagnes de l'Oisans. Comme le vent est faible, je prends la voile et file aux portes du flamboyant massif des Ecrins, à Entraigues pour être précis. La végétation fait peine à voir, tout est flétri et desséché, la marche sur le sentier soulève un petit nuage de poussière tant le sol est sec.
Toutefois la balade reste magnifique, sans doute le passage des tunnels à flanc de montagne y est pour quelque chose, ou alors c'est le profil de l'Olan qui apparaît au détour d'un lacet. J'arrive au col d'Hurtière à moitié confiant quant aux conditions aérologiques, il souffle parfois une brise assez forte sans direction bien précise. Contre toute attente le vent du nord y est bien présent. Plus haut il est même carrément fort, ça craint du boudin !
Maintenant que je suis là autant monter en haut. Au sommet étrangement, c'est la pétole, voire carrément sud ! Bizarre... Du coup je prends mon temps pour bien saisir la teneur des conditions. Il n'y a rien à faire, c'est bien calme avec une légère tendance sud. J'étale donc la voile face au soleil et me prépare tout en me demandant à quelle sauce vais-je être mangé en vol.
Le décollage se passe très bien, le contournement par le sud du col d'Hurtière aussi, avec une réserve de gaz généreuse, tout va bien. Pour optimiser je m'appuie alors sur le versant ensoleillé du Colombier. C'est soudainement que je suis entré dans le thermique, un du genre bien velu et viril à souhait, ça tire sur les bretelles tout en faisant couiner le variomètre. Au bout de deux tours je suis à la hauteur de la crête sommitale, au troisième le variomètre hurle des sons que je n'avais jamais entendus, au quatrième les fermetures m'ont brutalement ramenées à la réalité, c'est violent.
A partir de ce moment ma voile et moi n'avons fait que fuir, fuir pour nous réfugier sous des cieux plus cléments. Je me demande comment les champions de la X'Alp font pour encaisser pendant 10 heures des coups de boutoirs incessants. La fin du vol est bien plus tranquille quoique toujours agitée, il est 11h30 et le vent de vallée est déjà bien installé. Parfois, des ascendances générées par quelques champs brûlants de soleil me remontent de plusieurs dizaines de mètres sans que je n'enroule quoique ce soit.
Je me pose dans la fournaise juste à côté de la manche à air déliquescente, il fait chaud et sitôt la voile au sol, j'enlève toutes les épaisseurs afin de plier le parapente dans les meilleures conditions.