Le passage des violents orages du week-end a laissé la nature exengue et meurtrie, l'herbe est encore gorgée des trombes d'eau qui se sont abattues sur les Bauges. Pourtant les oracles sont formels, temps calme et à peine couvert en haute altitude, idéal pour le Mont Colombier dont les pentes sommitales se prêtent particulièrement bien à ces conditions. Nous plantons la flamme dans le grand champ humide au départ de la balade et commençons sans plus tarder la belle ascension vers ce sommet. Ça commence par une jolie portion en sous-bois avant de terminer dans les immenses alpages où paissent encore de nombreuses vaches. Étrangement, elles restent groupées par races, les Montbéliardes d'un côté, les tarentaises un peu plus haut. Une chance pour nous, les chèvres et le patou qui les surveille sont descendus la semaine dernière dans la vallée, nous n'aurons pas à subir les agressions sauvages du molosse. Lors de ma dernière visite ici, il essayait de couper les suspentes à coup de crocs pendant que j'étalais la voile !
Au sommet la brise est clairement de sud, pas idéal pour la seule pente accessible au décollage exposée plein ouest. Qu'à cela ne tienne, les voiles sont installées dans la seule infractuosité qui fend la pente vers le sud. Enfin quand je dis les voiles, c'est d'abord celle d'Hélène qui est dépliée car il n'y a pas assez de place pour deux ailes. L'exercice est périlleux car la brise est franchement travers, il faut gonfler le parapente sur place dans le flux, avant de le faire pivoter dans l'axe de la pente qui se raidit brutalement au delà de la faille. Hélène s'élance doucement pendant une accalmie, la voile monte, se place correctement dans la brise tous caissons au vent et s'envole comme une plume au dessus des pentes vertigineuses. Il ne me reste plus qu'à reproduire ce coup de maître, alors j'étale l'aile sur le lit de petits cailloux qui s'échappe de la faille sulfureuse, et tends les suspentes dans l'axe du flux. La voile monte mollement et se place comme il faut dans la brise ! Un sans faute.
La suite n'est qu'une longue glissade, en effet si les bancs de cirrus qui occultent le soleil sont parfaits pour empêcher les thermiques retors de venir troubler la brise sommitale, il ne faut pas non plus espérer trouver des ascendances ! Alors, tranquillement installés dans nos sellettes, nous planons de concert vers le champ orné de sa flamme rouge et blanche posée ce matin. Le retour au sol est une caresse, comme si l’attraction terrestre revenait tout doucement après ces minutes d’une légèreté pourtant insoutenable.