Malgré les très nombreux nuages qui bouchent le paysage, je laisse la voiture au village du Monteynard pour marcher vers le sommet de la Peyrouse. Faux départ ! Au bout d’un kilomètre de marche, je me souviens avoir laissé le téléphone sur le toit de la bagnole... quand on n’a pas de tête, il faut avoir des jambes ! Retour à la caisse donc où j’en profite pour mettre les grosses pompes qui semblent mieux adaptées à la neige qui traîne en haut.
Après deux bonnes heures de marche j’arrive sur un sommet juste blanchi mais complètement dégagé. Si le vent y est tout à fait fréquentable, des masses nuageuses assez conséquentes naviguent en contrebas, masquant trop souvent à mon goût le plan de vol et les champs d’atterrissage... il va falloir s’armer de patience. Alors que je me morfonds devant la mer de nuages mouvante, un groupe de marcheurs arrive et commence à papoter avec moi, me permettant ainsi de tuer le temps dans l’attente d’une hypothétique amélioration. Subitement, les énormes nuages qui bouchaient tout l’horizon disparaissent en moins de trois minutes. Je me jette sur mon sac et déplie la voile sans plus attendre. Le vent du sud, jusque là un doux zéphyr, se lève le temps de mettre la voile en position. Serait-il responsable de cette brutale éclaircie ?
Peu importe, il faut se précipiter sur le créneau, une impulsion, la voile monte et me voici dans la brise sibérienne... à n’en pas douter, il est possible de tenir sur le sommet dans la brise thermodynamique, toutefois, les quelques nuages qui traînent encore ici et là ont l’air bien mobiles. Alors je préfère m’avancer vers le terrain d’atterrissage. C’est là que j’ai commencé à prendre peur, le vent m’oppose une résistance de plus en plus farouche, j’en suis à émettre des doutes quant à l’objectif qui reste désespérément loin. Par dessus le marché, cet air est loin d’être laminaire, des turbulences commencent à se faire sentir. Tu parles d’un vol tranquille ! Malgré la taille du champ que j’ai choisi pour atterrir, je me pose comme une merde dans un vent toujours fort et agité. C’est en fin de virage, décidé dans l’urgence, que le contact dans le pré marécageux s’est produit bien durement.
Si la boue a bien amorti la chute, le roulé-boulé qui a suivi a terminé de me maculer d’une bouillasse infâme. Trois jeunes taureaux venus d’on ne sait où se sont alors précipités pour voir l’intrus fraîchement arrivé du ciel, j’ai craint un moment que le plus intrépide me prenne pour un matador avec ma voile en guise de cape rouge. Il me toise de son œil torve tout en grattant le sol de son sabot crotté. Inutile de vous dire que je n’ai pas traîné, j’ai fourré la voile sans précaution dans le sac et j’ai pris mes jambes à mon cou pour sortir du champ dont les barbelés ne furent pas l’obstacle le plus facile à franchir. C’est sur le parking du stade que j’ai pu enfin plier correctement la voile, avec tout de même bien des difficultés dans cette brise décidément pernicieuse jusqu’au bout.